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Obstacles sur le sentier

La pratique de la méditation vingt heures sur vingt-quatre, jour après jour, fit surgir des choses qui ne seraient jamais remontées en surface en méditant comme je le faisais en Californie. Très vite, je me heurtai à de puissants obstacles mentaux qui résistaient en me barrant la route. Certains furent très difficiles à surmonter. Ils étaient pourtant un signe de progrès, et l’on me demanda de les affronter avec courage. Ces obstacles surgissent dans l’esprit avec l’accroissement et le développe-ment de la conscience. Ce qui veut dire que, si des problèmes bien enracinés se présentent, le méditant dispose des outils qui lui permettent de les résoudre.

Le premier obstacle fut le manque de sommeil. Fréquemment, au cours des exercices assis, je m’assoupissais quelques instants. Je me réveillais chaque fois en sursaut. La tentation de dormir était surtout forte et incontrôlable après le repas de midi, lorsqu’il faisait chaud dans la chambre, et la nuit, entre 10 et 11 heures, heures auxquelles je me couchais ordinairement.

Le sayādaw m’expliqua que l’envie de dormir pendant la journée est, généralement, due à la paresse. Tous les étudiants la connaissent. D’autre part, le corps peut vraiment avoir besoin de récupérer et de se reposer. On doit respecter ce besoin. Il est difficile, au début, d’établir la distinction entre l’envie de dormir causée par les besoins du corps et l’envie de dormir causée par la paresse. La paresse constitue l’un des cinq obstacles principaux, les quatre autres étant l’attachement, la répulsion, la distraction et le doute. Chacun d’entre eux entrave les progrès, car ils maintiennent l’esprit enchaîné aux niveaux inférieurs de conscience, le polluant de leurs souillures et de leurs impuretés.

La paresse, poursuivit le maître, se manifeste toujours quand la différence de puissance entre la faculté de concentration et la faculté d’énergie est trop grande : forte capacité de concentration + faible énergie = paresse. Pour vaincre la paresse, il suffit d’équilibrer la concentration et l’énergie. On y parvient en augmentant le nombre d’objets à observer. Par exemple, après avoir pris note de la position assise (« assis… assis… ») trois ou quatre fois, on doit diriger l’attention vers un point du corps où l’on perçoit une sensation de contact. On doit alors en prendre note mentalement (par exemple : « contact… contact… »). N’importe quel endroit de la jambe, de la main ou de la hanche fait affaire, à condition d’y déceler une sensation de contact. On peut choisir plusieurs de ces endroits comme objets de la concentration, pour les noter successivement l’un après l’autre.

La contemplation ne peut pas se pratiquer pendant le sommeil, dit le sayādaw. Le sommeil est un état de subconscience permanent (bhavanga). Cet état est faible et ne permet donc pas de connaître un objet. Il est semblable au premier état de conscience au moment de la renaissance et au dernier état de conscience au moment de la mort. À l’état de veille, quotidiennement, l’état de bhavanga se produit régulièrement entre les moments où nous voyons, entendons, pensons, etc. Mais sa durée est si brève qu’on ne le détecte généralement pas. Ce n’est que pendant le sommeil, où cet état se prolonge, qu’il devient apparent.

En un jour ou deux, j’appris à équilibrer l’énergie et la concentration afin de tenir le sommeil et la paresse en échec au cours de la journée. C’était bien autre chose encore de résister au sommeil entre 10 et 11 heures du soir. J’avais beau jongler avec l’énergie et la concentration, je m’endormais toujours avant minuit.

Je décidai de m’asseoir sur le plancher dur au lieu du lit, afin de rester éveillé jusqu’à minuit. Je demandai une autre moustiquaire que j’installai au milieu de ma chambre. Yogi U Tin a dû certainement se demander ce que faisait ce filet qui pendait au centre de la pièce, mais il ne posa jamais de question à son sujet, me laissant libre de faire ce que bon me semblait. La première nuit, je m’assis à même le plancher, sans couverture ni coussin. Je tournai le dos au lit, pour laisser la tentation derrière moi. Je fus convaincu d’avoir gagné la bataille. Je pratiquai « monter… descendre… » jusqu’à minuit sans m’endormir. J’étais aussi heureux que l’athlète qui a remporté une médaille d’or aux jeux Olympiques.

La seconde nuit sur le plancher, aux heures critiques, je basculai sur le côté sans en avoir conscience. Je dormis une heure dans cette posture bizarre. Mon sommeil fut profond, car, au réveil, je me sentis ragaillardi comme après une douche fraîche un jour de chaleur — tout surpris de me retrouver dans cette position.

Je fis un compte rendu complet au sayādaw. Il me suggéra de changer mes heures de travail. Au lieu de dormir entre minuit et 4 heures du matin, je ferais mieux de dormir entre 10 heures et 2 heures du matin. En fait, ce n’est pas quand on prend les quatre heures de sommeil qui compte ; ce qui est important, c’est de ne pas dormir plus de quatre heures. L’idéal est de dormir moins de quatre heures, mais je n’étais pas encore prêt pour ça. Cela viendrait plus tard, à mesure que je progresserais sur le sentier. Pour lutter contre l’assoupissement, le sayādaw me recommanda également de garder à portée de la main un bol d’eau froide pour m’humecter les yeux, le cas échéant.

Je résolus mon problème en changeant mes heures de sommeil. De plus, je gagnai à travailler pendant les heures calmes du jour, de 2 heures à 5 heures du matin. On n’entendait aucun bruit. Humains, animaux et oiseaux, tous dormaient d’un profond sommeil.

L’aube, en Birmanie, était quelque chose de spécial. À 4 heures du matin, le son argentin des cloches et des gongs des monastères et des temples bouddhistes résonnait dans l’air. Ces sons mélodieux appelaient moines, nonnes et laïcs à réciter ou à chanter les Paritta ou les Pirit Sutta. On utilise ces sutta pour se protéger du danger. 4 heures du matin était aussi pour le méditant l’heure de reprendre son travail.

Mes nouvelles heures de travail faisaient que j’étais déjà levé et que je pratiquai l’exercice assis. C’était un bon moment pour suivre les instructions du Bouddha :

« Dans ce qui est vu, il doit y avoir seulement ce qui est vu ; dans ce qui est entendu, seulement ce qui est entendu ; dans ce qui est perçu (comme l’odorat, le goût et le toucher), seulement ce qui est perçu ; dans ce qui est pensé, seulement ce qui est pensé. »

Je choisis le tintement des gongs et des cloches comme objet de ma contemplation. Je pratiquai « entendre… entendre… ». Lorsque mon attention fut fixée fermement et calmement sur le son perçu, l’intellect contrôlé par l’ego fut dans l’incapacité de se manifester avec ses associations habituelles, ses antagonismes : attraction-répulsion et agitation-indolence, où culmine le doute. Ainsi l’activité des sens fonctionnait dans sa pureté primordiale dans laquelle est une joie sans pareille.

À 5 heures du matin, il faisait encore nuit, mais les premiers rayons du soleil perçaient déjà. Aussi je pratiquai « voir… voir… ». La couleur du ciel était un mélange mouvant de rouge et de jaune. Pendant quelques instants, ce fut encore le calme total.

Mais bientôt le calme s’évanouit. De noirs vols de corbeaux venaient de quitter leur quartier de nuit. Leurs cris rauques étaient le premier gros bruit de la journée. Je réussis à pratiquer « entendre… entendre… ». Mais déjà d’autres bruits s’ajoutaient au charivari : aboiements et hurlements de chiens, bruits de voitures proches ou lointaines, avions, voix humaines, cris d’enfants et musique stridente de hauts-parleurs se faisant concurrence. C’en était trop pour moi. Je ne pus en supporter davantage.

Je m’attendais au bruit. J’avais lu les récits écrits par des Occidentaux qui étaient venus en Birmanie pour y méditer. Même prévenu, je n’arrivais pas à comprendre comment quiconque pouvait être capable de fixer son attention sur le mouvement de l’abdomen « monter… descendre… » ou sur le mouvement des jambes « lever… étendre… poser… » avec tout ce vacarme. De toute évidence, des bruits forts et irritants, simultanés, n’étaient pas tellement propices à la pratique de « entendre… entendre… » Pour bien faire cet exercice, il fallait se fixer sur un son isolé.

Je m’attendais à ce que le sayādaw s’apitoie sur mon sort en s’excusant que les conditions idéales n’existent point en Birmanie. Au contraire, le maître présenta la chose comme un occasion unique, quelque chose dont il fallait que je profite. Ce n’était pas en fuyant les écueils que je réussirais à les vaincre. La seule façon de les surmonter était de leur faire face calmement. Cela exigeait beaucoup d’entraînement.

Un obstacle n’a besoin d’être surmonté qu’une seule fois, m’expliqua le sayādaw. Quelle que soit sa nature ou sa puissance, il ne se représentera plus jamais. Des obstacles sont toujours susceptibles de surgir dans un esprit sous-développé. La faute en est non pas aux choses qui nous entourent, mais à l’esprit lui-même. Mon problème, ce n’était pas les bruits du matin, c’était mon contrôle mental.

Le maître me donna une nouvelle formule qui s’appliquait aux distractions de l’esprit. Elle était à l’inverse de la formule concernant la paresse : énergie forte + concentration faible = distraction. La seule façon de maîtriser le facteur mental négatif de la distraction est de développer la faculté de la concentration. C’était lorsque les bruits extérieurs détournaient mon attention que je devais redoubler l’effort de concentration. Le sayādaw me dit qu’en pratiquant avec assiduité, je vaincrais la distraction.

À mesure que les jours passèrent, je fis des progrès. En fait, après deux semaines de pratique, je fus frappé par la limpidité étonnante de mon mental. En dépit des bruits du dehors, je réussis à le maintenir fermement ancré sur son objet. Les impressions sensorielles étaient là, isolées et aussi distinctes que l’arbre unique qui se dresse sur la colline dénudée dans la pleine lumière du jour. Plus important encore, les réactions qui faisaient immédiatement suite à ces impressions étaient perçues au moment même où elles commençaient à se manifester. On pouvait ainsi les dévitaliser sans avoir à leur résister. « Ne résistez pas au mal. »

Ce sont les réactions aux activités des sens qui égarent l’esprit de sa route. Ce sont elles qui le confinent à un niveau de développement inférieur. Nous sommes esclaves de ces réactions dont l’homme non entraîné n’a même pas conscience. Je compris pourquoi toute activité du mental autre que l’enregistrement des impressions sensorielles doit être « sacrifiée », abandonnée. Le renoncement n’a donc rien à voir avec la volonté.

J’avais atteint le stade où j’étais capable de pratiquer la contemplation pendant vingt heures d’affilée sans m’endormir. J’en ressentis un grand réconfort et une grande joie. Je ne m’étais jamais senti aussi bien. Si l’on tient compte des repas copieux et délicieux que l’on préparait spécialement pour moi, ne pas céder au sommeil me parut une incomparable victoire. J’avais faim malgré la chaleur, et je mangeais avec beaucoup d’appétit. Je pratiquai l’exercice assis après un gros déjeuner, à l’heure la plus chaude, sans ressentir le besoin de dormir.

Je décidai de réduire mes heures de sommeil : je dormirais trois heures. Mais un soir, entre 9 et 10 heures, je fus saisi d’une profonde envie de dormir. Je tentai de maîtriser au moyen de la technique que j’avais déjà utilisée, sans succès. Je sentis soudain une douleur atroce, insupportable, agripper mon esprit. Son intensité défie toute description. Le sayādaw m’avait mis en garde : « N’allez pas trop vite. » Je fus forcé de comprendre la sagesse de son avertissement. Je vis ce qui arrivait à l’esprit lorsqu’on ne respecte pas la quantité de sommeil dont le corps a besoin.

Je cessai aussitôt de résister au sommeil : la douleur disparut, et j’allai me recoucher. On m’a dit que dans certains pays dits civilisés, on torture les gens en les privant de sommeil. Après l’expérience que j’ai vécue, je ne suis pas surpris qu’un homme avoue n’importe quoi, même si c’est faux, si on le soumet à ce genre de souffrance.

À peine avais-je éliminé un obstacle qu’un autre dressait sa tête hideuse. Cela pouvait sembler décourageant. L’effet était pourtant inverse : les obstacles étaient perçus comme des occasions d’affûter l’épée de sagesse, celle qui permettait de trancher les liens de l’esclavage.

Voici un autre exemple d’obstacle auquel je dus faire face. J’étais assis, pratiquant « monter… descendre… » depuis un bon moment, suffisamment longtemps pour que la conscience ait atteint un certain niveau. Soudain, une chose tout à fait terrifiante m’arriva. J’eus la sensation de tomber dans un abîme sans fond. Je réagis aussitôt par la peur. La peur était une sorte de fuite, qui fit que je bougeai légèrement le corps. L’expérience cessa aussitôt. La sensation de chute avait disparu, mais je ne l’avais pas maîtrisée.

Étrange : j’étais là, assis sur la terre ferme, sans risque de tomber nulle part. Et pourtant l’expérience de la chute avait été bien réelle. La sensation de tomber dans un espace vide revint plusieurs fois. À chaque fois, une peur intense me saisit.

Le lendemain matin, je contai ma mésaventure au sayādaw et je lui demandai conseil. Il me dit d’apprendre à observer la sensation de chute sans y réagir de quelque manière que ce fût. « Regardez-la sans crainte, simplement », me dit-il. Plus facile à dire qu’à faire ! Le sayādaw m’expliqua que la peur, ou toute autre émotion négative, se manifeste toujours en fonction du moi. L’émotion négative est un mécanisme de défense dont l’objectif est de voiler la réalité. En fait, seule la sensation de chute dans le vide existe, personne ne tombe vraiment. Lorsqu’on a bien perçu cela, la peur ne se manifeste plus jamais, et la bataille est gagnée.

« Il n’existe qu’une seule façon d’empêcher une émotion négative de se manifester, dit le sayādaw. Il suffit de bien se concentrer sur la sensation pour empêcher l’esprit de vaciller. Lorsqu’il y a concentration juste, la notion du “je” ou du “mien” ou du “moi” ne se manifeste pas. Le résultat est une contemplation sereine. Ainsi la sensation disparaît et ne revient plus jamais. » Deux jours de travail, environ, me prouvèrent que ce que le sayādaw avait dit était vrai.

Néanmoins, je devais connaître des sensations encore plus déplaisantes. Quelques jours après avoir vaincu la sensation de chute, j’eus l’impression que de petits insectes me couraient par tout le corps, piquant et mordant ma peau tendre. Je bondis de ma position assise et tentai de faire tomber les insectes. À ma grande stupeur, il n’y avait pas d’insectes. Je me rassis et repris mon travail. Très vite, une nouvelle sensation étrange surgit.

Cette fois, c’était une douleur insupportable dans les cuisses, comme si on y enfonçait un fer rouge. J’ouvris les yeux et je regardai mes cuisses. La sensation cessa. Encore une fois, je me demandai ce qui se passait. J’eus beaucoup de sensations étranges ce jour-là : sensations de froid, d’extrême chaleur comme si mon corps était en feu, douleurs aiguës comme si on me plantait un poignard ou un bâton pointu dans le corps, piqûres comme si on m’enfonçait des milliers d’aiguilles, etc. Toutes ces sensations douloureuses alternaient, s’estompaient, puis revenaient avec plus d’intensité encore.

Le matin, je m’empressai de rapporter toutes ces sensations au sayādaw. Celui-ci m’assura que je n’avais aucune raison de m’alarmer. Au contraire, je devais me réjouir, car ce genre d’expérience était le signe certain que la contemplation était en voie de développement et que je progressais. Les sensations n’étaient ni graves ni la manifestation d’une maladie quelconque. C’était des phénomènes courants, toujours présents dans le corps. L’esprit est généralement occupé par des objets qui l’attirent davantage, aussi ces sensations restent-elles dans l’ombre. La faculté mentale de la perception s’aiguise à mesure que la contemplation se développe, et l’on perçoit alors ces sensations.

Lorsqu’il atteint le stade où il prend conscience de ces sensations douloureuses ou déplaisantes, l’élève, parfaitement équanime, doit résolument les contempler pour les vaincre. Si l’on n’est pas capable de contempler ces sensations douloureuses avec sérénité, on a tendance à bouger le corps, ce qui provoque un changement de conscience, et la sensation cesse. Dans ce cas, les sensations reviennent toujours.

La méthode pour surmonter ces sensations est de noter mentalement, par exemple : « douloureux… douloureux… », « mordant… mordant… » ou « irritant… irritant… ». La note mentale doit se faire de façon régulière, ni trop lentement ni trop vite. On maintient ainsi l’esprit orienté sur l’endroit où la sensation déplaisante ou douloureuse se manifeste. Il se peut que la douleur augmente ou qu’elle disparaisse. Lorsqu’on prend conscience qu’elle augmente, on ne doit pas s’alarmer. Il est important de continuer à observer calmement. En procédant ainsi, la douleur généralement disparaît pour ne plus jamais revenir. « Ne résistez pas au mal. »

Grâce à mes efforts soutenus, je réussis à vaincre ces sensations. Le sayādaw me conseilla de prendre un jour de repos. U Tin offrit de me faire visiter la ville, et le maître acquiesça. Nous allâmes chez U Tin, où je fis la connaissance de son épouse, et acceptai une invitation à déjeuner. Nous fîmes brûler un bâtonnet d’encens et méditâmes dans l’oratoire de U Tin, endroit sacré de la maison que l’on trouve dans la plupart des foyers birmans. Je pensai à la statue du Christ que ma mère avait dans sa chambre et devant laquelle elle avait coutume de prier. U Tin me montra les costumes qu’il avait achetés à New York, mais qu’il ne portait jamais à Rangoon. Puis il me prêta un longyi en soie que je mis pour sortir, et nous partîmes.

Nous visitâmes d’abord le monument le plus remarquable de Rangoon, la pagode Shwedagon, dont la construction remonte à 505 av. J.-C. Nous laissâmes nos sandales dans la voiture et nous marchâmes nu-pieds entre deux gigantesques ogres mythiques, créatures roses et léonines, qui gardent l’entrée. Des quatre points cardinaux, quatre escaliers monumentaux couverts permettent d’accéder à la plate-forme du sanctuaire. En gravissant les marches, nous passâmes devant des marchands d’offrandes de fleurs, de cierges, de cymbales, de représentations du Bouddha en albâtre et en cuivre. À l’un des stands, nous achetâmes un paquet de fines feuilles d’or battu, de la taille d’une carte postale. Elles sont destinées à être fixées à la base de la pagode. Nous achetâmes également des fleurs au parfum odorant et des cierges.

Nous atteignîmes enfin la vaste plate-forme pavée de marbre que garnissaient un nombre imposant de petits sanctuaires. Je grimpai à une échelle de bois pour fixer mes feuilles d’or et ajouter ainsi un infime éclat à la gloire du sanctuaire. La pagode dorée se dressait à mètres environ au-dessus de la plate-forme. Des pierres précieuses et des diamants ornaient sa cime.

Nous visitâmes les sanctuaires qui contenaient les statues du Bouddha dans les quatre postures conventionnelles :

— assis, les mains jointes indiquant la méditation ;

— assis, la main gauche ouverte posée sur la cuisse, la main droite sur le genou droit, les doigts orientés vers le bas (la posture de l’Illumination) ;

— le Bouddha enseignant, debout, la main droite levée ;

— le Bouddha atteignant l’ultime réalité, allongé sur le côté droit, la tête reposant sur la main droite, le bras gauche sur la jambe gauche.

Nous disposâmes nos fleurs dans un vase, nous allumâmes nos cierges et nous méditâmes devant lui. Nous versâmes de l’eau, symbole de purification, sur une autre statue du Bouddha. Nous méditâmes dans plusieurs sanctuaires. Puis U Tin me demanda de frapper trois fois sur une grosse cloche en faisant un vœu.

Notre seconde visite fut pour pour Kaba Aye. C’est une pagode moderne qui possède en son centre une gigantesque statue du Bouddha dans la posture de l’Illumination. Kaba Aye veut dire « paix mondiale ». Près d’elle se trouve la grande grotte. Elle fut construite pour abriter le sixième Grand Concile bouddhiste, en 1954. C’est une grotte artificielle dont l’extérieur est recouvert de rochers et l’intérieur, une immense salle de réunion. Elle est surmontée d’une coupole soutenue par six colonnes de béton, et elle possède six entrées qui symbolisent les six portes des sens de l’homme et l’esprit qui habite la grotte. U Tin m’indiqua où feu le révérend Leslie Lowe, de Los Angeles, était assis pendant le concile. U Tin me dit qu’il l’avait reconnu facilement, car c’était le seul moine en habit civil.

La grotte était agréablement fraîche. Dehors, le soleil était si chaud que nous courûmes à la voiture comme on court pour échapper à la pluie. Chez U Tin, un délicieux repas exotique nous attendait. Je découvris les mangoustans et autres fruits tropicaux. Une jeune femme se tenait derrière ma chaise et m’éventait avec un grand éventail.

Puis ce fut l’heure de rentrer. Sur le chemin du retour, nous achetâmes des fruits pour les offrir au sayādaw. Vers heures on me ramena chez Yogi U Tin et je repris mon travail de contemplation.



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