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Introduction

Il y aura bientôt trente ans que j'ai eu la bonne fortune de connaître l'enseignement satipatthāna. J’étais atteint, à l’époque, d’une maladie nerveuse dite incurable qui me causait de véritables tortures. En apprenant que la méthode de satipatthāna constituait la seule et unique voie menant à la libération de la souffrance, et qu’elle était ouverte à tout homme qui désirait ardemment l’utiliser, je fus, bien sûr, intéressé. Quoique sceptique quant à la véracité de ce qu’elle avançait, je fus impatient de commencer à la pratiquer.

Néanmoins, lorsqu’on me décrivit la méthode de travail, je fus extrêmement déçu, et je la rejetai aussitôt. J’étais incapable de la prendre au sérieux. Elle était si simple ! Sa simplicité même me convainquit qu’on ne pouvait retirer aucun avantage à pratiquer ce genre d’entraînement — certainement pas la cessation de la souffrance. Je ne savais rien du couple simplicité-sagesse.

Aussi étrange que cela puisse paraître, en dépit du fait que je jugeai sans valeur, enfantine et absurde la technique de travail de l’entraînement satipatthāna, je me sentis pourtant poussé à commencer sa pratique.

Et, à mon grand étonnement, j’enregistrai des résultats immédiats — des résultats réels et durables. Inutile de dire que l’attitude négative et le scepticisme dont j’avais d’abord fait preuve s’évanouirent. Ils étaient mal fondés et laissèrent place à la foi, à l'espoir et au courage. J’avais enfin trouvé la voie qui allait me permettre de sortir d’une situation désespérée.

À mesure que les jours passèrent, l’esprit et le corps s’améliorèrent, se modifièrent, pour retrouver enfin la fonction harmonieuse qu’ils avaient depuis longtemps perdue. Le résultat fut une vie nouvelle, de joie, de bonheur et de paix insoupçonnée jusqu’alors.

Finalement, au cours de mes années de pratique, je découvris avec surprise, comme bien d’autres avant moi ont dû le découvrir, que satipatthāna représentait le système le plus révolutionnaire et le plus efficace parmi tous les systèmes connus d’entraînement de l’esprit. Satipatthāna constitue sans aucun doute une voie supérieure menant à la maîtrise du malheur et de la misère, à l’élimination de la douleur et de la peine, à l’annihilation de l’ignorance et, enfin, à l’obtention du bonheur suprême, ici et maintenant, dans cette vie présente. Une telle réalisation n’est-elle pas ce que toute personne qui raisonne sainement à l’heure actuelle recherche, et qu’il est si difficile de trouver ?

À strictement parler, satipatthāna est la voie de la perfection, une réalité et non un rêve utopique. Vous êtes un peu sceptiques. Les résultats mentionnés semblent peut-être exagérés, mais je suis en mesure de témoigner qu’ils sont vrais, à tous les égards. En fait, il est quasiment impossible d’évaluer dans quelle mesure exacte la pratique de satipatthāna transforme le caractère, le comportement et l’apparence d’une personne. Elle provoque une profonde évolution spirituelle qui commence, comme pour le voyage aux mille kilomètres, au point le plus proche de nous : dans notre propre esprit. C’est là précisément, dans le sombre territoire inconnu de l’esprit, que se trouvent le sentier et le but de la tentative la plus haute qui soit. Il n’est jamais trop tard pour commencer à développer la lueur directrice de la compréhension et de la suivre, pour émerger triomphant dans un futur plus éclatant et plus heureux.

Satipatthāna n’est pas nouveau. En réalité, sa pratique est aussi vieille que le monde. Il y a toujours eu des hommes qui ont cherché à se comprendre eux-mêmes et à comprendre le monde dans lequel ils vivaient, et satipatthāna a été la méthode qu’ils ont employée, quoique sous un nom différent. Le Bouddha l’a redécouvert et l’a enseigné en Inde, il y a deux mille cinq cents ans. Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu’il faille devenir bouddhiste pour entreprendre l’entraînement satipatthāna.

Satipatthāna, ou la pratique de la présence de l’esprit, n’est pas une religion. C’est essentiellement un mode de vie, une méthode pratique dont l’application est aussi valable aujourd’hui qu’elle l’était jadis. Elle constitue une certaine façon de vivre notre vie quotidienne destinée à mettre un terme au mal, à faire ce qui est bon et juste, et à purifier l’esprit de ses impuretés manifestes et latentes. C’est un autotraitement psychophysiologique sain que chacun d’entre nous doit éventuellement effectuer s’il s’est fixé comme objectif dans l’existence de s’émanciper des ténèbres de l’ignorance et de s’élever vers la lumière de la compréhension, la sagesse des Anciens…

La société actuelle, de plus en plus mécanisée, avec son rythme accéléré, ses rivalités, ses compétitions, son égoïsme toujours croissant, nous soumet malgré nous à un état perpétuel de tension mentale, émotionnelle et physique. Chez la plupart d'entre nous, l'énergie vitale, qui assure la santé et le bien-être, s'épuise d'une manière catastrophique qui entraîne inévitablement une dévitalisation du système nerveux, perturbant l'équilibre des mécanismes internes de l'esprit. L’expérience démontre que le gaspillage de l’énergie vitale est dû en grande partie à l’abus de l’activité cérébrale. L’excès de penser qui nous mène à tout juger et analyser, à rêver et imaginer, toute cette agitation mentale incessante est un état désastreux, d’autant plus dangereux qu’il est inconscient. Cette dysharmonie a atteint à notre époque sa phase aiguë, et c’est précisément à elle qu’il convient d’abord de porter remède. Il suffit de commencer à vivre selon le premier principe de satipatthāna pour se rendre compte immédiatement qu’il s’agit là de l’antidote par excellence contre le mal du siècle. à une époque où se manifeste une telle tendance à manipuler la pensée et le comportement des gens par des mots et des images, satipatthāna est d’une importance capitale. C’est un message d’espoir pour notre monde gravement malade, car il prouve que nous sommes tous perfectibles. Il est à la portée de tous, jeunes ou vieux, croyants ou athées.



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