Néanmoins, lorsqu’on me décrivit la méthode de travail, je fus extrêmement déçu, et je la rejetai aussitôt. J’étais incapable de la prendre au sérieux. Elle était si simple ! Sa simplicité même me convainquit qu’on ne pouvait retirer aucun avantage à pratiquer ce genre d’entraînement — certainement pas la cessation de la souffrance. Je ne savais rien du couple simplicité-sagesse.
Aussi étrange que cela
puisse paraître, en dépit du fait que je jugeai sans
valeur, enfantine et absurde la technique de travail de
l’entraînement satipatthāna, je me sentis pourtant
poussé à commencer sa pratique.
Et, à mon grand
étonnement, j’enregistrai des résultats immédiats
— des résultats réels et durables. Inutile de dire
que l’attitude négative et le scepticisme dont j’avais
d’abord fait preuve s’évanouirent. Ils étaient mal
fondés et laissèrent place à la foi, à
l'espoir et au courage. J’avais enfin trouvé la voie qui
allait me permettre de sortir d’une situation désespérée.
À mesure que les jours passèrent, l’esprit et le
corps s’améliorèrent, se modifièrent, pour
retrouver enfin la fonction harmonieuse qu’ils avaient depuis
longtemps perdue. Le résultat fut une vie nouvelle, de joie,
de bonheur et de paix insoupçonnée jusqu’alors.
Finalement, au cours de mes années de pratique, je découvris
avec surprise, comme bien d’autres avant moi ont dû le
découvrir, que satipatthāna représentait le
système le plus révolutionnaire et le plus efficace
parmi tous les systèmes connus d’entraînement de
l’esprit. Satipatthāna constitue sans aucun doute une voie
supérieure menant à la maîtrise du malheur et de
la misère, à l’élimination de la douleur et de
la peine, à l’annihilation de l’ignorance et, enfin, à
l’obtention du bonheur suprême, ici et maintenant, dans cette
vie présente. Une telle réalisation n’est-elle pas ce
que toute personne qui raisonne sainement à l’heure actuelle
recherche, et qu’il est si difficile de trouver ?
À
strictement parler, satipatthāna est la voie de la perfection,
une réalité et non un rêve utopique. Vous êtes
un peu sceptiques. Les résultats mentionnés semblent
peut-être exagérés, mais je suis en mesure de
témoigner qu’ils sont vrais, à tous les égards.
En fait, il est quasiment impossible d’évaluer dans quelle
mesure exacte la pratique de satipatthāna transforme le
caractère, le comportement et l’apparence d’une personne.
Elle provoque une profonde évolution spirituelle qui commence,
comme pour le voyage aux mille kilomètres, au point le plus
proche de nous : dans notre propre esprit. C’est là
précisément, dans le sombre territoire inconnu de
l’esprit, que se trouvent le sentier et le but de la tentative la
plus haute qui soit. Il n’est jamais trop tard pour commencer à
développer la lueur directrice de la compréhension et
de la suivre, pour émerger triomphant dans un futur plus
éclatant et plus heureux.
Satipatthāna n’est pas
nouveau. En réalité, sa pratique est aussi vieille que
le monde. Il y a toujours eu des hommes qui ont cherché à
se comprendre eux-mêmes et à comprendre le monde dans
lequel ils vivaient, et satipatthāna a été la
méthode qu’ils ont employée, quoique sous un nom
différent. Le Bouddha l’a redécouvert et l’a
enseigné en Inde, il y a deux mille cinq cents ans. Cela ne
veut pas dire, bien sûr, qu’il faille devenir bouddhiste pour
entreprendre l’entraînement satipatthāna.
Satipatthāna,
ou la pratique de la présence de l’esprit, n’est pas une
religion. C’est essentiellement un mode de vie, une méthode
pratique dont l’application est aussi valable aujourd’hui qu’elle
l’était jadis. Elle constitue une certaine façon de
vivre notre vie quotidienne destinée à mettre un terme
au mal, à faire ce qui est bon et juste, et à purifier
l’esprit de ses impuretés manifestes et latentes. C’est un
autotraitement psychophysiologique sain que chacun d’entre nous
doit éventuellement effectuer s’il s’est fixé
comme objectif dans l’existence de s’émanciper des
ténèbres de l’ignorance et de s’élever vers
la lumière de la compréhension, la sagesse des Anciens…
La société actuelle, de plus en plus mécanisée, avec son rythme accéléré, ses rivalités, ses compétitions, son égoïsme toujours croissant, nous soumet malgré nous à un état perpétuel de tension mentale, émotionnelle et physique. Chez la plupart d'entre nous, l'énergie vitale, qui assure la santé et le bien-être, s'épuise d'une manière catastrophique qui entraîne inévitablement une dévitalisation du système nerveux, perturbant l'équilibre des mécanismes internes de l'esprit. L’expérience démontre que le gaspillage de l’énergie vitale est dû en grande partie à l’abus de l’activité cérébrale. L’excès de penser qui nous mène à tout juger et analyser, à rêver et imaginer, toute cette agitation mentale incessante est un état désastreux, d’autant plus dangereux qu’il est inconscient. Cette dysharmonie a atteint à notre époque sa phase aiguë, et c’est précisément à elle qu’il convient d’abord de porter remède. Il suffit de commencer à vivre selon le premier principe de satipatthāna pour se rendre compte immédiatement qu’il s’agit là de l’antidote par excellence contre le mal du siècle. à une époque où se manifeste une telle tendance à manipuler la pensée et le comportement des gens par des mots et des images, satipatthāna est d’une importance capitale. C’est un message d’espoir pour notre monde gravement malade, car il prouve que nous sommes tous perfectibles. Il est à la portée de tous, jeunes ou vieux, croyants ou athées.